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Crime et Chocolat
15 octobre 2006

L'écologie malgré les verts ?

La campagne présidentielle 2007 sera-t-elle celle de l’écologie ?

On peut toujours l’espérer. Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée n’a-t-il pas déclaré : « La question écologique sera l'un des enjeux de la campagne pour la présidentielle. » Et l’idée de Nicolas Hulot d’un vice-premier ministre chargé du développement durable a été jugée intéressante par les Etats-majors des principaux candidat; l'animateur d’Ushuaia est d’ailleurs courtisé de toute part (Royal, Sarkozy, Bayrou…)

Cet engouement relatif pour la question écologique ne rend que plus pathétique la stagnation de Dominique Voynet, à 2%  d’intentions de vote à la présidentielle. (entre parenthèses, les estimations de vote des candidats potentiels des partis de feue la majorité plurielle, hors PS, ont de quoi inquiéter le ou la futur(e) candidat(e) socialiste qui risque de manquer d’un réservoir de voix  conséquent pour le 2e tour).

Alors pourquoi ? Le vote utile d’un certain nombre de sympathisantes verts, le souvenir du 21 avril, les déceptions de l’expérience au gouvernement n’expliquent pas tout.

Le problème à mon avis vient plutôt du positionnement politique extrêmement fermé du parti.

Idéologiquement, les Verts prônent une rupture (et oui, eux aussi) avec le modèle de société actuelle fondé sur le productivisme, la consommation, la recherche perpétuelle de la croissance. Le contraste est fort entre l’ambition de  ce projet –changer le monde, rien de moins – et la modestie organisationnelle du parti qui compte une petite dizaine de milliers d’adhérents.

A partir de ce moment-là, 2 options stratégiques s’offrent aux Verts.

Tout d’abord, adopter une approche pédagogique pour sensibiliser peu à peu l’opinion publique aux problématiques environnementales, en capitalisant sur les événements qui affectent la vie quotidienne des citoyens – de ce point de vue là, la hausse du prix du pétrole était une formidable opportunité. Yves Cochet, candidat à la candidature Vert à la présidentielle, battu de justesse par Dominique Voynet, s’y est essayé avec un livre au titre évocateur « Pétrole Apocalypse » Ce type d’approche consiste à s’adresser à l’opinion – via  des relais intellectuels et scientifiques, voire médiatiques – pour renforcer l’audience des Verts en démontrant la légitimité et l’urgence des questions qu’ils posent. Dominique Voynet a elle chois une toute autre approche. Il faut noter que Cochet et Voynet, même s’ils étaient très semblables sur le fond des idées (ils font tous les deux partie de l’aile « modérée » du parti) incarnaient en fait très bien, dans cette campagne interne, les deux options stratégiques envisageables. En ce sens, cette élection interne avait plus de signification qu’elle ne semblait en présenter (malheureusement, le verdict très serré rend difficile sa lisibilité). En effet, Dominique Voynet, elle, a adopté quand elle était à la tête du parti (et Ministre de l’Environnement de 1997 à 2001) une approche plus politicienne et réaliste donnant la priorité à l’ancrage des Verts dans une majorité gouvernementale de gauche.

Cette stratégie a porté ses fruits avec l’entrée à l’Assemblée Nationale de députés Verts en 1997. En gros le principe est de jouer loyalement le jeu de l’alliance à gauche, et de bénéficier de tous les avantages d’une inscription dans une coalition potentiellement majoritaire, tout en marquant sa différence sur quelques sujets emblématiques- le nucléaire, les OGM…

La faiblesse de l’approche de Cochet était sans doute son oubli des réalités politiques basiques et son efficacité électorale aléatoire dans le court terme. Le point faible de celle de Voynet est qu’il s’agit d’une politique de coups, qui n’aide pas à faire comprendre à l’opinion la cohérence de la vision du monde écologique et qui risque de faire de la sensibilité environnementale, au pire un gadget, au mieux un supplément d’âme pour la gauche traditionnelle.

Aujourd’hui, l’approche Voynetiste semble trouver ses limites et on ne voit pas comment le choix d’une stratégie à

la Cochet

serait  payante dans l’immédiat. Cependant, si les Verts veulent conserver une légitimité politique à l’heure où tut le monde parle d’écologie, il leur faudra bien un jour trancher ce débat – là.

L’autre alternative évidemment est de ne choisir aucune des deux options. Il est permis de penser qu’une bonne partie des Verts serait plutôt sur cette ligne-là. Les réticences exprimées par certains sur la possibilité pour le parti de discuter avec Nicolas Hulot et Corinne Lepage (autre candidate « écologique » potentielle) parce qu’Hulot a été conseiller de Chirac et que Lepage a figuré dans un gouvernement de droite (quelle horreur !) sont assez significatives à cet égard. Là où l’urgence pour les Verts serait d’élargir leur audience, de trouver des alliés au-delà de la sphère politique traditionnelle (associations, leaders d’opinion, chercheurs…), de vulgariser leur doctrine en cherchant des relais susceptibles de toucher d’autres types de populations que les bobos parisiens ou les profs de techno en retraite, nombre de militants du parti semblent avant tout attachés à préserver leur spécificité. Ce qui donne à la vie interne du mouvement, cette culture de la discussion stérile et de l’anathème permanent qu’on ne trouve normalement que chez les groupuscules extrémistes, qui parce qu’ils sont durablement éloignés du pouvoir, se focalisent sur la recherche de la pureté idéologique au sein de leur organisation.

Depuis Lénine et son parti bolchevik, les mouvements politiques ont cependant évolué et même ceux qui se disent aujourd’hui révolutionnaires ne croient plus au principe d’une petite avant-garde ouvrant la voie aux masses ignorantes. Si les Verts veulent un jour voir leurs idées appliquées, il serait temps qu’ils se mettent à pratiquer cette activité, synonyme de compromis, de tactique, et d’acceptation (au moins provisoire) du réel, sans doute décevante et peu ragoûtante pour des puristes : faire de la politique.

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