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Crime et Chocolat
7 octobre 2006

Jeunes de gauche et Jeunes de droite

Bonjour

J'aimerais aujourd'hui développer une question cruciale si votre profession est d’être scouter (ce terme désigne les agents recruteurs des agences de top-models, j’avoue que j’ignore s’il a un rapport avec le scoutisme mais après tout cela serait assez cohérent) pour un parti politique : comment peut-on reconnaître un jeune de gauche d’un jeune de droite ?

C’est assez facile, le jeune de droite est généralement bien habillé, avec des joues rondes.

C’est un garçon qui est secrètement malheureux. Le monde ne fait que l’embêter. Le jeune de droite a été élevé par des parents aimants qui lui ont appris tout ce qu’il y avait à savoir sur la vie : qu’il fallait travailler pour réussir, le mériter pour être heureux, que les méchants étaient punis, que le seul bon chemin à suivre était celui qui allait tout droit. Ce garçon (ou cette fille) a des valeurs, mais au fur et à mesure qu’il grandit, le jeune de droite constate avec agacement que dans les journaux ou les salles de cours, on arrête pas de contredire ce qu’on lui a appris et ça le met en rage : vous ne seriez pas en colère vous si on critiquait votre papa ou votre maman ? C’est ce qui donne au jeune de droite cet air buté et têtu avec lequel il accueille les mauvaises langues qui prônent le mariage homo, la libéralisation des drogues douces et autres manifestations immatures et décadentes d’une rebellion stérile contre le seul ordre juste qui vaille, celui de l’enfance, société organique qui exclut l’opposition tellement stérile entre nature et culture, entre plaisir et devoir, entre jeunesse et tradition.

Le jeune de droite respecte lui ses aînés. Il est agacé par les commères qui ne cessent de répéter que le monde est effroyablement compliqué alors qu’il sait lui que le monde est simple. C’est pour cela que le jeune de droite pense sincèrement souffrir, même si il n’a jamais bossé à Mc Do pour payer ses études et si le plus violent désagrément physique qu’il ait du endurer est le tennis elbow qui l’a contraint à abandonner en huitième de finale du championnat de Haute-Normandie cadet. Il a souffert, sous Mitterrand, sous Jospin. Il souffre d’entendre de voir le Bien et le Beau attaqués sans cesse par les Barbares.

Le jeune de gauche lui offre un tout autre type psychologique (son look est aussi parfois un peu différent : il aime les tee-shirts informes, les accessoires exotiques – tresse jamaïcaines ou bracelets brésiliens, les cheveux longs – le jeune de droite aussi parfois, mais seulement s’ils sont permanentés). Quoi, me direz-vous, le jeune de gauche n’aimerait pas ses parents ? Quelle atroce confusion des ordres ! (sentimental d’un côté, politique de l’autre) Bien sûr que si mais il y a une différence ; le jeune de droite aime ses parents parce qu’il les admire ; le jeune de gauche parce qu’ils lui ressemblent. Le jeune de gauche lui ne ressent pas l’hostilité du monde. Au contraire, il s’émerveille de la bienveillance de l’univers. Dans les manifs on reconnaît le jeune de gauche au fait qu’il est jeune. En effet, dans les manifs il y a une majorité de gens de gauche. Mais s’il y avait des manifs avec des jeunes de droite, on reconnaîtrait le jeune de gauche à cet air extatique et niais avec lequel il sourit à la vie, comme s’il avait abusé de la marijauna avant des prendre ses pancartes sous les bras et de pointer dans les rangées des défenseurs de la démocratie à l’assaut des fascistes et des capitalistes, des pollueurs et des exploiteurs. Le jeune de gauche croit aux slogans consensuels : « tous ensemble, tous ensemble, hé : » « Nos vies comptent plus que notre profit » « Le monde n’est pas un marchandise. » Le jeune de gauche qui fréquente surtout des gens de gauche a tiré de cette endogamie idéologique l’illusion que tout le monde partage avec lui la bonne volonté civique, la solidarité automatique et la bonne conscience écologique qui sont au cœur de sa représentation du monde. Le jeune de gauche (tout comme l’ensemble des gens de gauche) ne croit pas au pêché originel. Pour lui, les gens sont bons et le monde serait un havre de paix si les forces du mal – entités abstraites, lointaines et minoritaires – ne s’en mêlaient pas en profitant des limites de la démocratie bourgeoise pour manipuler les esprits populaires. Ces puissances des ténèbres sont désignées par les jeunes de gauche, par des noms un peu effrayants qu’on répète le soir avant de s’endormir pour jouer à se faire peur  : capitalistes, libéraux, Américains…. Mais après tout à la fin on gagnera car on est so-li-dai-res : on vit ensemble, on meurt ensemble, pense le jeune de gauche qui admire Thuram et Vieira depuis les places distribuées aux expulsés de Cachan, mais qui au fond n’a pas le sens du tragique. Parce qu’au fond, même s’il perd souvent, le jeune de gauche, tel Zidane, n’a aucun regret quand il se heurte la tête la première au mur de l’injustice. Prendre des coups et en donner, ça fait des souvenirs. C’est là une autre différence fondamentale : le jeune de gauche tire de la joie de son passé, le jeune de droite de la nostalgie.

Ils ont tout de même un point commun : ils voient l’avenir comme radieux même si tout au fond de leur cœur, une petite voix leur murmure qu’il sera décevant. Un jour, peut-être la petite voix les mettra tous d’accord et ils verront ce qu’ils ont en commun. La lucidité est riche en surprises mais elle est toujours un peu triste.

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