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Crime et Chocolat
4 octobre 2006

Love Song pour Scarlett Johansson

Je suis allé voir l’autre jour « Love Song », film indé US à la fois sympathique et languissant racontant la cohabitation dans une vieille baraque de la Nouvelle Orléans entre une jeune fille paumée (Scarlett Johansson) et deux amis de sa mère décédée, un ex-prof de littérature déjanté et alcoolo (John Travolta), et son disciple, un jeune gars posant à l’écrivain maudit (Gabriel Macht). Le film est très représentatif du cinéma américain indépendant qui trouve semble-t-il une gloire à mettre en scène des personnages « oubliés du rêve américain », inadaptés à la société, plutôt antipathiques au premier abord mais ayant au fond bon cœur. Bref, c’est assez complaisant et parfois agaçant mais il y a une atmosphère, la gueule de John Travaolta avec des cheveux blancs aussi scintillants qu’un banquise essorée au gin, il y a le talent de Travolta, aussi, puissant et émouvant dans sa posture de vieux coucou hédoniste, blessé mortellement par la vie mais faisant face avec panache… et puis, et puis, il y a Scarlett Johansson.

Ah Scarlett !... Je l’avoue, j’ai payé mon billet pour elle (et j’aurais payé bien plus cher pour cohabiter avec elle à la place de Travolta). Bien sûr, je pourrais dire qu’elle est magnifique dans le film et ce serait l’exacte vérité. Sexy sans affectation, Scarlett exerce sur le spectateur mâle hétérosexuel moyen une attraction rien moins que platonique. Et pourtant dans le même temps, elle réussit le prodige de faire de sa présence à l’écran un phénomène aussi captivant pour l’esprit que pour les sens.

Elle présente un remarquable mélange d’assurance et d’humilité, de pugnacité et d’innocence qui est carrément fascinants la plupart du temps (le reste du temps, on admirera son corps et sa bouche ce qui, soyez-en sûrs, suffira largement à maintenir l’attention).

Ça c’est la Scarlett de l’écran, à adorer sans modération. Et puis, il y a la Scarlett des revues people… Et là, je dois dire que je fonds aussi pour le personnage, même si il est sans doute aussi éloigné de la Scarlett actrice que la vision de Jésus Christ par les membres du Ku-Klux-Klan doit l’être du rejeton de Marie  et de Jospeh (à moins que ce ne soit de l’Autre).

La Scarlett

des magazine baise (elle pratique je crois « le sexe tantrique » avec son compatriote d’acteur Josh Harnett),  boit, affiche sans complexe sa détermination de petite ricaine qui veut tout : l’argent, la réussite, le pouvoir, la reconnaissance de son talent et l’admiration des hommes.

Il faut profite de Scarlett Johansson tant qu’elle est comme elle est : la fille qui proclame sa fascination pour ses seins ("Je me souviens du jour où en voiture, j’ai vu une affiche en 4 par 3 avec moi dessus… Ce qui m’a le plus troublée, c’est de voir mon décolleté » - ISA, septembre 2006), celle qui écrit aux lecteurs de FHM pour les remercier de l’avoir hissée au top de leur classement des filles les plus sexy de la planète (« la chose qu’une fille désire le plus au monde, c’est d’être sexy »), celle qui disait en substance à propose de son personnage d'actrice arriviste dans Match Point : "Elle avance dans la vie avec les atouts dont elle dispose. Vous savez, dans la vie, quand on veut quelque chose, il faut y aller."

Oui, il faut profiter de la Scarlett des magasines, parce qu’elle ne durera pas (la Scarlett actrice, par contre, c’est un placement à long terme - elle n'a guère plus de 20 ans). Dans dix ans, Scarlett parlera dans ses interviews de la couche d’ozone menacée par la prolifération des OGM, elle aura découvert la spiritualité (ou le yoga), elle sortira dans les conférences de presse des festivals de Venise, de Berlin ou de Cannes les banalités d'usage (« ce film écorne le mythe du rêve américain », «même si c’est moins spectaculaire, les femmes sont toujours prisonnières des conventions sociales », « aux Etats-Unis, les gens sont de plus en plus dépolitisés, abrutis par le consumérisme, c’est effrayant ») qui plaisent tant aux critiques européens qui aiment que les objets de leurs fantasmes cachés leur donnent des alibis intellectuels pour lire les magasines masculins. Il faut dire qu’entre-temps, un réalisateur tordu aura fait décrocher à Scarlett le rôle d’une fille mère camée immigrée clandestine, employée d’une laverie tenue par un harceleur sexuel homophobe. Pour ce rôle où elle portera des cache-nez destinés à cacher la cicatrice infligée par son beau -père pédophile un jour où elle se refusait à lui, et pour lequel elle aura pris dix kilos et renoncé à se laver les cheveux pendant quatre-vingt-treize jours, elle aura décroché un oscar et on lira dans Vanity Fair et Paris Match : "le sex-symbol a délaissé le glamour pour l’émotion - "j'ai cherché la vérité de mon personnage et j'ai trouvé la mienne" nous confie Scarlett Johansson » ( article illustré par une série de photos de Scarlett en petite lingerie, shootée par Annie Leibowitz - si vous voulez avoir une idée du résultat, jetez un coup d'oeil à la dernière interview de Monica Bellucci, dans n’importe quel magazine).

Dans dix ans, Scarlett sera comme toutes ces actrices européennes qui s’excusent à chaque instant d’être ce qu’elles sont : riches, jolies, privilégiées par le destin et les foules.

Il faut protéger Scarlett car elle prouve qu’on peut être canon, rigolote et ambitieuse tout en en arborant du talent et de la classe. Le jour où toutes les actrices seront des petites choses intellectualisantes, des filles à pull sales et aux poses de mijaurées cérébrales, on ne trouvera plus des filles sexy que dans l’Ile de la Tentation et nous reviendrons à l’équation machiste absolue : les jolies nanas sont des putains, les autres font de bonnes mères.  Question : le statut de la femme y aura-t-il tellement gagné ?

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